Yvon Pépin : le départ d’un grand ami de la communauté gaie de Québec

par pierre perreault

Il a consacré une grande partie de sa vie, avec son conjoint, au soutien et au développement de la vie et des activités de la communauté gaie de la région de Québec. Son engagement dans la lutte contre le SIDA, entre autres, en a fait un allié important de l’organisme MIELS-Québec avec qui il a collaboré pendant longtemps comme homme d’affaires et citoyen concerné.

Le 2 janvier dernier, à sa résidence de Québec, Yvon Pépin, le fondateur du célèbre Sauna Hippocampe de la rue MacMahon, dans le Vieux-Québec, est décédé à l’âge de 89 ans. Entre les années 1960 et 2021, M. Pépin a été propriétaire de plusieurs établissements accueillant les membres de la communauté LGBTQ+ et leurs amis à Québec. Depuis quelques années, il vivait une retraite bien méritée.

Yvon Pépin

Ceux qui l’ont connu savent que c’était un homme d’une nature humble et généreuse. Il a investi dans des entreprises pour la clientèle gaie à une époque où ce n’était pas évident de s’identifier à cette communauté.

La vie gaie a pris racine dans le Vieux-Québec. Le Sauna Hippocampe, rue Mac Mahon, où furent tournées des scènes du film Le Confessionnal de Robert Lepage, a été en opération pendant 48 ans. L’établissement réputé mondialement avait connu quelques transformations au fil des années et était devenu un hôtel pour hommes seulement. Il a fermé ses portes définitivement le 27 septembre 2021, durant la crise de la COVID 19. Les propriétaires ont toutefois mentionné à la presse qu'après 50 ans de bons services ils souhaitaient simplement passer à autre chose.

Pour l’organisme MIELS-Québec, cette fermeture fut un moment difficile puisque c’était un lieu privilégié depuis de nombreuses années pour la tenue de campagnes de sensibilisation au VIH et des cliniques de dépistage. De plus, l’Hippocampe agissait comme un acteur important du financement de l’organisme.

Yvon Pépin

Yvon Pépin avait d’abord été tenancier de plusieurs bars gais à l’époque où l’homosexualité se vivait toujours dans la quasi-clandestinité. En 1960, il est propriétaire de la Taverne Sélect au Carré d’Youville, qu’il conservera jusqu’en 1965, alors qu’il lancera le Kajama, un bar-lounge spectacles, situé sur la Côte d’Abraham, où se produiront des vedettes populaires du Québec et d'ailleurs.

Le Kajama sera exproprié en 1969 pour permettre la construction de l’autoroute. La même année, Yvon Pépin ouvre l’Alouette, au 1169, Saint-Jean, un mini-complexe de trois étages qui devient rapidement très populaire. Au premier plancher, on retrouvait un restaurant; au second, un salon-bar avec juke-box et danse (premier permis de danse pour gais à Québec!); et, au troisième, une discothèque. Il le conservera pendant dix ans.

Rappelons qu’à l’époque, les bars fermaient à minuit le dimanche, à 2h du lundi au vendredi et à 3h le samedi.
En 1971, il procède à l’ouverture de l’Intendant, une vaste discothèque avec gogo boys, sur la Place Royale, près de l’église Notre-Dame-des-Victoires. Les 5 @ 7 du dimanche après-midi étaient très courus. En 1973, l’Intendant devient le Sieur de la Gorgendière et conserve sa vocation de discothèque jusqu’en 1981. On y ajoute des systèmes de son et d’éclairage avant-gardistes pour l’époque ainsi que la tenue d’activités spéciales à divers moments de l’année.

En 1973, à la suite des commentaires de clients qui voyageaient un peu partout et qui lui vantaient les saunas fort populaires aux États-Unis et en Europe, et après avoir lui-même constaté de quoi il en retournait, Yvon Pépin se risque dans une aventure en ouvrant le Sauna Hippocampe dans une ancienne église protestante, où logeait alors un studio de culture physique. Après de longues tractations de six mois avec la Ville de Québec, plutôt réticente à l’installation de ce genre de commerce, le maire Gilles Lamontagne, la veille de l’inauguration, permettra qu’on accorde le permis. Ouvert 24 heures par jour et avec ses 25 chambres, il devient rapidement un endroit de prédilection pour la clientèle gaie.

Yvon Pépin

Yvon Pépin fut un témoin et un acteur privilégié de ce qui faisait les nuits chaudes de la communauté. Ils sont quelques-uns, en effet, à avoir marqué l’évolution de la communauté gaie de l’époque, ce qui a permis à celle-ci de se développer et d’être ce qu’elle est devenue ensuite. Cela ne s’est pas accompli sans embûches. Il a fallu que des individus tenaces, comme lui et quelques autres par la suite, osent et réussissent à franchir les obstacles.

À Québec, dans la communauté LGBTQ+, le nom de Yvon Pépin n’est pas très connu. Ce fut quand même l’homme le plus important. Il fut vraiment un pionnier. Il ouvrait des bars à une époque où les hommes n’avaient pas encore le droit de se toucher sur le plancher de danse et que les policiers surveillaient ça.

Les détails sur les obsèques seront dévoilés sous peu. En attendant, la direction et l’équipe des Guides GQ offrent leurs sincères condoléances à son conjoint, Gilles, avec qui il était en relation depuis 60 ans, ainsi qu’aux membres de la famille.

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SOURCES : MIELS-Québec, Fugues, Yvon Jussaume, Facebook (gayquebec2025)

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