Bon anniversaire Michel Tremblay!
En ce 25 juin 2022, notre grand romancier et dramaturge national, Michel Tremblay, a 80 ans bien sonnés. Je me joins aux très nombreux admirateurs et lecteurs pour lui souhaiter un très joyeux anniversaire et une longue vie et bien des romans et des œuvres pour notre plus grand plaisir.
Tout le peuple québécois est redevable à Michel Tremblay d’avoir osé il y a plus de 50 ans donner droit de cité à notre langue québécoise dans la littérature, sur la scène, au cinéma comme à la télévision. D’avoir mis en scène et donné la parole à celles et ceux qui étaient jusque là exclus des grandes scènes théâtrales comme des plateaux : les femmes à la maison, les travailleuses et la classe ouvrière, les marginalisées, travestis, gais, lesbiennes, à leurs amours, à leurs rêves, à leurs tourments.
La communauté LGBT au Québec en particulier doit beaucoup à son plus illustre auteur. Je suis convaincu que si Michel Tremblay n’avait pas été là dans notre histoire à un tournant où s’affirmait le Québec moderne, notre sortie du placard aurait été beaucoup plus ardue. Comme je dis toujours quand je veux expliquer aux plus jeunes ce qu’était le Québec quand mon prédécesseur Alain Bouchard a publié pour la première fois le Guide gai du Québec en 1979, à l’époque, on ne connaissait que deux gais au Québec : Michel Tremblay et Michel Girouard.
Dès ses premières œuvres à la fin des années 1960, Michel Tremblay a mis en scène des personnages LGBT, non pas comme des caricatures ou des êtres risibles, mais des personnages profondément humains non pas confinés au ghetto, mais capables d’exprimer des sentiments universels. Lui-même n’a pas caché son orientation sexuelle alors que l’homosexualité venait à peine d’être décriminalisée et qu’il n’existait encore aucune protection juridique pour notre communauté qui continuait d’être ouvertement victime de discrimination.
En se retrouvant au confluent de plusieurs mouvements sociaux d’émancipation qui étaient en train de redessiner le Québec moderne, du peuple québécois méprisé, des femmes, de la classe ouvrière, des LGBT, il a largement contribué à nous faire apparaitre dans la culture et dans la société. Je me souviens ado être allé voir au cinéma Berri le film ‘’Il était une fois dans l’Est’’ inspiré de ses premières pièces, d’autant plus que le film se terminait avec la mort de la serveuse Lise Paquette, incarnée par ma cousine Frédérique Collin, d’un avortement clandestin. Au lendemain de la nouvelle décision de la Cour suprême des États-Unis qui renverse l’arrêt Roe VS Wade et ouvre la porte à la recriminalisation de l’avortement dans ce pays, cette thématique démontre une fois de plus comment le dramaturge était en avance sur son époque il y a un demi-siècle. Et dans ce film diffusé sur grand écran aux quatre coins du Québec, il y avait littéralement des personnages gais, lesbiennes, bisexuels et travestis, LGBT. Quatre ans après la décriminalisation de l’homosexualité, deux ans après que Radio-Canada ait retiré des ondes le téléroman Le Paradis terrestre parce que deux hommes se prenaient la main devant des portes d’ascenseur qui se fermaient. Le contraste témoigne de l’audace de Tremblay et de son rôle de précurseur.
Sans aucun doute, tout le succès qu’il a connu avec beaucoup d’audace en étant au diapason du nouveau Québec qui émergeait, a ouvert la porte à d’autres auteurs, à d’autres artistes qui ont eux aussi fait apparaitre nos réalités dans leurs œuvres. Des personnages gais sont apparus à la télévision, Luc Plamondon a créé le personnage de Ziggy dans Starmania, Clémence Desrochers nous a parlé des vieilles amantes dans ‘Deux vieilles’ et tranquillement nous sommes sortis du placard et apparus au grand jour autant au cinéma qu’à la télévision. Janette Bertrand a pris le relais et réalisé un travail d’éducation populaire incroyable et la société québécoise a changé et est devenue une des nations avant-gardistes dans le monde en matière des droits LGBT. Nos réalités, notre existence sont ainsi sorties de la marge.
C’est pour leur rendre hommage, et au premier titre pour rendre hommage à ce rôle de précurseur de Michel Tremblay et aussi de tous ces artistes qui, dans son sillage, de Marie-Claire Blais, de Luc Plamondon, de Clémence Desrochers à Xavier Dolan, à Pierre Lapointe, à Ariane Moffatt et tant d’autres, ont parlé de nos réalités, que j’ai choisi d’inclure quand je suis devenu éditeur du Guide gai du Québec, devenu les Guides GQ, des profils d’artistes gais et lesbiennes, ou s’étant illustrés dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie dans nos guides, en les associant aux quartiers, aux régions d’où ils sont originaires, eux et elles qui nous ont fait apparaitre aux quatre coins du Québec. Une façon de faire réaliser aux touristes LGBT qu’ici au Québec, contrairement à la grande majorité des nations dans le monde, un auteur ouvertement gai, une artiste ouvertement lesbienne, bi ou trans fait fièrement partie de notre culture et non d’une sous-culture cachée, méprisée et marginalisée.
Au moment où je travaille sur une nouvelle édition post-pandémie du Guide GQ pour le Montréal métropolitain, je ne manquerai pas de souligner de nouveau ce grand apport et l’œuvre colossale de Michel Tremblay qui a fait découvrir au monde entier l’univers des quartiers populaires montréalais et de sa communauté LGBT. J’espère avoir la chance de le rencontrer de nouveau bientôt pour lui souhaiter ces vœux de vive voix… mais aussi d’avoir la chance de lui poser une question qui me chicotte depuis que j’ai découvert que mes arrière-grand-parents Gagnon étaient ses voisins de ruelle sur la rue Fabre où il a grandi : se pourrait-il que mon arrière-grand-mère Gagnon que je n’ai pas connue, lui ait inspiré un personnage des Belles-Sœurs?
Entretemps, je lui souhaite un anniversaire très gai et joyeux! Et je lui souhaite encore longue vie en le remerciant de toutes les œuvres dont il nous a fait cadeau et de nous avoir si gaiement sorti du placard.
Bon anniversaire Michel Tremblay et longue vie!
André Gagnon, éditeur