Chez Duceppe en décembre : N'essuie jamais de larmes sans gants
Après un succès phénoménal au Théâtre du Trident à Québec en mars dernier, dans une mise en scène d'Alexandre Fecteau, la pièce "N’essuie jamais de larmes sans gants", une imposante tragédie romantique enveloppée de poésie, s'est amenée chez Duceppe à la Place-des-Arts pour le public montréalais. Elle y est présentée jusqu'au 17 décembre.
Cette adaptation pour la scène de Véronique Côté du fameux roman de Jonas Gardell plonge les spectateurs au cœur de l’épidémie de VIH des années 1980 en Suède, à travers l’histoire de personnages attachants incarnés par des interprètes brillants. Ces mêmes interprètes qui ont épaté au Trident enflamment la scène de la PDA.
Synopsis: Rasmus fuit son village et l’étouffant nid familial pour se jeter à corps perdu dans sa nouvelle vie à Stockholm, où brille l’espoir d’être enfin lui-même. Benjamin, lui, est déchiré entre le chemin tracé d’avance par son appartenance aux Témoins de Jéhovah et son simple désir d’aimer quelqu’un qui l’aimera en retour. C’est Paul, flamboyante mère poule pour les gais égarés, qui les réunit par hasard une nuit de Noël. Ils repartent main dans la main sans savoir que leurs pas de deux enfiévrés les mèneront au bord de l’abîme. Que l’un d’eux tombera sous la lame d’une faucheuse que personne ne connaît encore: le sida.
Alexandre Fecteau, qui avait notamment signé la mise en scène d’Amadeus au Trident, s’attaque ici à un chef d’œuvre de la littérature mondiale avec l’audace et l’engagement qu’on lui connaît.
La scénographie de cette oeuvre est fascinante. Des blocs sombres de différentes tailles occupent la scène et prennent diverses formes, se déplaçant constamment, avec l'aide des comédiens et de techniciens de scène, pour s'adapter aux multiples contextes pendant ces quelques presque trois heures de présentation, entrecoupées d'un entracte. Curieusement et heureusement peut-être même, le metteur en scène joue allègrement avec l'humour du texte, ce qui allège le côté tragique de l'oeuvre. On rit beaucoup et franchement à plusieurs moments.
En fin de première partie, la scène est littéralement inondée par une pluie qui tombe sans cesse et qui crée une atmosphère encore plus tragique sur les événements, en plus de détremper les vêtements de presque tous les comédiens. Au retour de l'entracte, c'est sur une scène encore remplie de quelques centimètres d'eau que va se jouer le dénouement de cette nuit de Noël bien particulière. Avec tout ce que ça comporte de difficultés et de contraintes pour les acteurs.
L'émotion est à son comble, et plusieurs spectateurs ont avoué avoir versé des larmes à plusieurs reprises durant le spectacle. La communauté LGBTQ+, en particulier les hommes gais qui ont été témoins de cette "crise'" du sida à ses débuts dans les années 1980-1990, et leurs proches, sont très présents dans la salle. À la sortie, on sent l'émotion et on entend les commentaires qui fusent à propos de la pertinence et de la justesse de cette présentation théâtrale.
Une activiste de longue date connue auprès de la communauté en matière de prévention du VIH et d'information sur le sida, a déclaré qu'elle allait "se souvenir de cette pièce le reste de sa vie", tellement elle est évocatrice de la réalité vécue, autant ici qu'en Suède, où se déroule l'action.
À Montréal, plus de quinze artistes sur scène, dont la plupart de la création originale :
Maxime Beauregard-Martin, Olivier Arteau, Samuel La Rochelle, Maxime Robin, Gabriel Cloutier Tremblay, Israël Gamache, Laurent Fecteau-Nadeau, Érika Gagnon, Hugues Frenette, Frédérique Bradet, Jonathan Gagnon, Carla Mezquita Honhon.
Quatre musiciens complètent l'équipe d'interprétation : Anne-Marie Bernard (pianiste), Jean-François Gagné (violoniste), Marie-Loup Cottinet (violoncelliste) et Karina Laliberté (altiste).
Théâtre Jean Duceppe
Billetterie : Place des Arts
Du 6 au 17 décembre 2023